VIDEO AGE 2022

Il existe un immense corpus critique sur l’art vidéo qui en détaille les sujets et les préoccupations. On y commente les personnalités et les thèmes, mais beaucoup plus rarement on aborde la question de la vidéo ou de l’image animée sous la forme de la discrétisation du temps et de l’espace. C’est à dire sous la forme d’ensembles d’images unités vidéogramme concaténées afin de produire une suite de correspondances morphologiques et sémantiques produisant du sens. La radicalité théorique dépouillant la vidéo de ses affects et hagiographies permet d’aborder la question sous une forme mathématique qui rappelle la nature informationnelle, énergétique et spatiale des séquences d’images associées dans des suites plus ou moins signifiantes ou plus ou moins aléatoires. Cette posture formelle pourrait paraître stérile si les combinatoires que cela engendre étaient si immenses… En effet débarrassé du discours, le vidéaste est ainsi libre de trouver dans la richesse des combinatoires possibles des interprétations inattendues qui sont autant de mondes possibles. La multitude des choix renvoyant à l’auteur sa responsabilité sur la ligne qu’il aura choisi. Loin d’abandonner l’exigence de l’artiste et la singularité de sa vision, cette méthode engendre des risques bien plus vertigineux que l’immobilité égotique de l’auteur traditionnel. La multiplicité engendre un risque ontologique inouï, c’est comme être penché au bord de la galaxie contemplant les millions d’années lumière qui nous submergent et choisir une étoile parmi toutes.
C’est ainsi que “Vidéo Age” qui est né d’une expérience de montage précédente nommée “Cage Suite” est une extension d’un songe que l’on nomme “montage procédural”. Une application codée avec Processing combine images et sons dans un spectacle fascinant, perpétuellement renouvelé.

Alain Longuet, Gabriel Soucheyre, et moi-même nous sommes de nouveau associés pour imaginer une suite au projet “Cage Suite” afin d’expérimenter un nouveau contexte à ces images.

On pourrait les diffuser dans les lieux où elles ont été prises afin de montrer l’œuvre du temps et de l’espace. J’aurais pu refaire des prises de vues semblables afin de montrer la transformation de l’environnement. Nous avons choisi un formalisme théorique et de manipuler ces images comme si c’eût été une collection d’espaces numériques mis en en relation avec des fonctions à n degrés. C’est ainsi que les images glissent les une sur les autres et provoquent des correspondances inattendues. Les images s’accumulent, provoquant des bijections improbables, bousculant les temporalités dans le rêve éveillé de tous les mondes possibles. Le compositeur Jacques Emmanuel Rousselon s’est associé à l’expérience en apportant une musique ouverte et inventive.

Stéphane Trois Carrés 2015 / 2022