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Focus – 18 mars – 14h
Les 20 œuvres vidéo présentées dans cette collection sont produites par des artistes iraniens présents non seulement en Iran mais également à l’étranger. La période de ces productions s’étend sur trois différentes générations d’art postmoderne et contemporain persan, des années 1990 jusqu’à nos jours. Cela représente une courte période par rapport à l’Occident. Cette période est due en partie à l’arrivée de la vague moderne des nouvelles technologies dans le pays (On peut citer ordinateurs et nouveaux logiciels, monde de l’Internet et nouvelle génération des téléphones portables). Elle est également liée aux exigences sociales, politiques et culturelles de la reconstruction des activités culturelles, après la révolution Islamique de 1979 et également la période d’après-guerre (guerre Iran-Irak 1980 -1988).
Les thèmes abordés dans ces œuvres présentent une sorte de vie artistique en harmonie avec le monde de l’art contemporain, c’est-à-dire un monde utilisant de manière discontinue et analytique le résultat des expériences historiques de l’Occident (ou en d’autres termes, le monde de l’histoire de l’art) comme un palette/boîte à outils pour la production de contenus spéciaux de manière locale.
D’autre part, la méthode et le style de l’art vidéo iranien ont également été pris en considération. L’art vidéo iranien se distingue par sa méthode imaginaire et sa forme propre. La méthode de traitement du sujet, le style narratif et le contenu local relativement différent ont contribué à la création d’un style véritablement exotique-atypique (bien que parfois la forme puisse paraître incomplète par rapport au niveau de son style). La formation de ce style très atypique est due principalement à une raison historique. En effet les supports vidéo ne provoquent pas une attention significative dans les institutions artistiques iraniennes et la présentation de ces œuvres est souvent considérée comme une action artificielle aux yeux des producteurs et réalisateurs artistiques. Après plus de deux décennies de production d’œuvres vidéographiques en Iran, un grand nombre de galeries d’art influentes évitent de présenter des œuvres vidéo et les considèrent comme un média non éprouvé ou du moins un média « malchanceux » parmi le public iranien. Sans doute, cette problématique n’était et n’est toujours pas compatible avec la recherche d’indépendance caractéristique de l’art contemporain. Par conséquent, les artistes de ce média présentent inévitablement leurs œuvres dans les festivals de courts métrages et d’animation, et les biennales d’art contemporain étrangers. Heureusement, leurs productions vidéographiques suscitent beaucoup d’enthousiasme au niveau international.
L’entrée de l’art vidéo iranien dans les événements internationaux a suscité une attention plus générale et plus large sur ce média, y compris parmi les artistes des générations précédentes. Ceux-ci considèrent la vidéo comme un moyen plus accessible pour une interaction artistique plus simple et plus à jour avec les principales voies de la technologie occidentale. Peut-être pouvons-nous dire que la narration textuelle et visuelle et la nature cinématographique des œuvres vidéo iraniennes sont en partie le résultat des essais des artistes pour répondre aux besoins de contextes favorisant la présentation de leurs œuvres. Par conséquent on peut dire que les œuvres iraniennes ont trouvé leur propre forme et leur espace particulier, au sein d’un espace interdisciplinaire mêlant l’art occidental et oriental.
Les artistes présentés dans cette collection sont ceux qui ont fait de grandes tentatives pour l’art vidéo et la performance vidéo en Iran et dans d’autres pays au cours des deux dernières décennies. Un grand nombre de ces œuvres a reçu des prix spéciaux importants lors d’événements internationaux.
Artist’s Eyes (Le regard de l’artiste) / Omid Hashemi / 2012 / 12’24
Je me concentre pour garder les yeux ouverts.
Quelqu’un commence à me laver la tête avec du savon.
Je garde les yeux ouverts.
Le savon coule lentement dans mes yeux et le blanc de mes yeux devient rouge.
Je garde les yeux ouverts.
La transformation est dans mes yeux.
Parallel Anxiety (Anxiété parallèle) / Samad Ghorbanzedeh / 2017 / 1’35
Cette série de photomontages, produite en 2017, a pour objectif de montrer des personnages, hommes et femmes, qui, selon qu’ils refoulement ou accèdent à leurs désirs, souffrent d’anxiété et d’inquiétude. On voit, par exemple, dans la première image, une femme vêtue d’une robe de mariée sur le côté gauche du cadre. Selon les théories de la psychanalyse, la mariée symbolise la fertilité, la naissance et les aspects de la personnalité en devenir. Au milieu du cadre se trouve un homme aux yeux fermés sanguinolents mangeant du poisson mort. Toujours en psychanalyse, le poisson symbolise le travail profond de l’inconscient et le poisson mort renvoie aux instincts réprimés. De l’autre côté, à l’étage du bâtiment, se trouve un homme vêtu d’un imperméable. Il représente la figure du contrôleur (le “Surmoi”) qui peut infliger une punition sévère à ces personnes en quête d’assouvissement de leurs désirs. La seconde image représente une situation d’angoisse. Cette dernière résulte de l’assouvissement de désirs inconscients. On y trouve un homme à la tête bandée et pleine de sang, une femme angoissée, téléphone à la main (le téléphone symbolisant la connexion à des endroits lointains), un haut fourneau (symbole phallique, selon les théories freudiennes) crachant de la fumée noire (symbole de stress intériorisé). Les ampoules au dessus des têtes des personnages, qui indiquent un deuil sous sa forme jubilatoire, symbolisent la punition infligée par le Surmoi en réponse à l’assouvissement des désirs.
The Last Song (La dernière chanson) / Mehrnoosh Roshanaei / 2021 / 2’16
La technologie enregistre et préserve des formes de vie en voie d’extinction. Les technologies digitales permettent, quant à elles, de représenter et d’animer des formes de vie déjà éteintes. C’est une forme de progrès qui, d’un côté, offre une illusion salvifique par la création de documents audiovisuels réalistes (bien que virtuels), et de l’autre, se pose en avertissement pour l’avenir de la planète. En effet, chaque support sur lequel est archivé ce qui pourrait être oublié risque d’être perdu. Mehrnoosh Roshanaei (Téhéran, Iran – 1988) étudie cette situation en s’appuyant sur la poésie. Son œuvre The Last Song fait référence au son enchanteur émis par le dernier mâle O’o de Kauai, un oiseau endémique de Hawaii, enregistré par le laboratoire d’ornithologie de l’Université de Cornell. Il s’agit d’un document sonore aussi sublime que dramatique, car le chant du mâle est un chant d’amour dédié à une femelle qui n’y répondra jamais. Ce spécimen est mort en 1987, marquant ainsi la fin de son espèce. Tout en écoutant ce poignant chant d’amour, on contemple la fragmentation et dématérialisation d’une Franklinia alatamaha, une fleur déclarée éteinte au début du 19e siècle recréée en 3D par l’artiste.
Un film essentiel, aux limites de l’abstraction, montrant la fleur seule sur fond de désert qui, sans raison apparente, se désagrège avec une lenteur inexorable jusqu’à disparaître complètement; une dissolution visuelle vécue comme un rêve, aussi onirique que le chant qui retentit dans l’obscurité des séquences finales. [Texte de Daniele Astrologo]
Remorse (Remords) / Mehrnoosh Roshanaei / 2021 / 1’02
Le remords est la mémoire éveillée, Ses compagnies agitées. Une présence disparue s’affaire aux fenêtres et portes… [Emily Dickinson]
Le remords est un élément essentiel de notre mémoire. C’est cette partie douloureuse qui est toujours à vif, alerte, tenace, impitoyable. Elle est en mouvement permanent. C’est une présence continue de faits omniprésents, s’agglutinant à nos fenêtres et à nos portes. Le remords renaît chaque fois que l’on pense à nos actes passés. Le passé “s’affaire”.
A Rare Species of Stage Went Extinct in a Remote Land (Une espèce rare de scène s’est éteinte dans un pays lointain) / Nastaran Safaei / 2021 / 1’07
The Silence (Le Silence) / Mandana Moghaddam / 2016 / 5’59
The Silence est une installation vidéo poétique portant un message politique. L’œuvre aborde des thèmes tels que la communication, la mémoire, l’isolement, l’intégration et l’exclusion et interroge le concept de l’Autre; renaître sans avoir les mots, vouloir être compris malgré le silence.
But in your head baby I’m afraid you don’t know where it is (Mais dans ta tête, bébé, je crains que tu ne saches pas où ça se trouve) / Hamed Sahihi / 2010 / 1′
Dans ces vidéos, l’artiste décrit de manière symbolique des tranches de vie quotidienne en accéléré. Il montre une situation réelle dans laquelle on observe d’étranges contradictions. C’est la réalité de l’Iran moderne : un quotidien confus et comme en suspension.
EDGE (SUR LE FIL) / Behnam Kamrani / 2012 / 1’07
The Edge décrit une situation paradoxalement sinistre dans une atmosphère attrayante. La situation est analysée par le spectre d’une pratique symbolique. La superbe dague symbolise notre histoire, tout en restant un objet coupant. Au lieu d’y voir la coupure, on voit l’aspect menaçant et la métamorphose de la personne qui détient la dague !
Flight (Vol) / Morteza Ahmadvand / 2018 / 2’48
Cette œuvre poétique symbolise la société iranienne d’aujourd’hui, avec toutes les limites sociopolitiques qu’elle comporte.
Gliss / Shirin Abedinirad / 2013 / 4’09
Une œuvre symbolico-minimaliste traitant du concept d’érosion.
Œuvre co-programmée par Marta Blanchietti et Carola Del Pizzo.
THE LONESOME (LE SOLITAIRE) / Soheil Kheirabadi / 2021 / 55”
En silence, le monde disparaît.
3 Minutes-Sculpture (Sculpture en 3 minutes) / Alireza Khosroabadi / 2020 / 3′
Un corps, une bouche ouverte au maximum dans laquelle est fiché un microphone; une étude des corps des protestataires, debout sur des poteaux de télécommunications comme sur une scène. La sculpture s’ancre dans le temps en jouant la vidéo en boucle, calquée à un système humain dont la limite est celle de la parole, du cri et de la protestation. Trois minutes est le seuil de tolérance de l’ouverture de bouche maximale de l’acteur.
I wrote, you read (J’ai écrit, tu lis) / Farideh Shahsavarani / 2006 / 3’36
L’homme moderne est bombardé par les médias. Chaque jour, nous sommes impactés par les informations. Nous ne réfléchissons pas; nous ne sommes pas exposés à la vérité; nous ne savons que ce qu’ils souhaitent que nous sachions. On ne peut pas y échapper. L’homme moderne est enseveli sous les infos. Une boite enveloppée d’acier et de fil barbelé est remplie de journaux chiffonnés.
PUBLIC MOURNING (DEUIL PUBLIC) / Alirea Memariani / 2018 / 40”
La cause principale de la mort est le plastique retrouvé dans leurs estomacs. Après avoir séparé les ossements des organes des trente cadavres, nous avons découvert un troupeau de 10 gazelles, une harde dorée; un symbole funeste par delà le temps et l’espace…
La poussière de mon corps devient un voile au visage de mon âme.
Heureux l’instant où j’abattrai le voile de Ce visage !
Pareille cage n’est pas digne d’un bon chanteur comme moi.
J’irai à la Roseraie de Rezvân, car je suis l’oiseau de ce Jardin !
On ne voit pas pourquoi je suis venu, où étais-je ?
Hélas, ô douleur, je ne sais rien de ma propre condition.
Comment tournerais-je dans l’espace du Monde Saint,
quand je suis cloué en mon corps au Pavillon du Mélange ?
Que vienne du sang de mon cœur un parfum de passion,
ne m’étonne pas : j’ai la douleur de la poche de musc du Khotan.
Ne compare pas les broderies de ma tunique tissée d’or à celles de la chandelle,
car les flammes sont cachées dans ma tunique.
Viens ôter de devant lui l’être même de Hâfez :
en présence de Ton existence nul ne m’entendra dire : « C’est moi ! »
[HÂFEZ DE CHIRAZ, Ghazal 334]
Fresh Air (Air frais) / Nima Nikakhlagh / 2020 / 3′
[Note de l’artiste] – Mai 2020, toujours à la maison, comme tout le monde.
Fresh Air est la seconde de deux œuvres d’art visuel expérimental créées durant le confinement. Elles explorent la relation du corps à un environnement devenu excessivement familier, tout en observant sa séparation extrême du monde extérieur.
Selon moi, l’art est le résultat d’une sorte d’intranquillité qui change perpétuellement de source. À chaque fois, elle trouve une forme d’expression différente, crée sa propre discipline et dit tout ce qu’elle a à dire sans se soucier des intérêts d’un individu ou d’un groupe et sans suivre aucun courant de mode. L’art est la seule voie pour nous montrer quelque chose qui nous était quasi invisible auparavant, qui rend l’impossible possible, l’inhabituel habituel. Cette forme d’art fait l’effet de nettoyer une fenêtre ou d’enlever des lunettes noires; elle libère notre imagination et nos pensées, affranchit nos sens et nos capacités.
SAFPEM – FMICA Organisateurs – notamment connue sous le nom de SAFPEM – a été fondée par des artistes et organisateurs culturels de différents domaines artistiques, vivant entre la France et le Canada en 2013.
La mission principale de l’institut se base sur la promotion et le soutien des artistes s’exprimant dans tous les domaines de la vie artistique tels que : créations musicales, productions cinématographiques, art vidéo, performances contemporaines, arts visuels, arts graphiques et numériques, édition de livres, etc. La transversalité entre ces différents domaines est également hautement développée.
En nombre de membres permanents, l’Institut compte plus de 1500 artistes internationaux de tout âge et génération confondues. L’institut souhaite contribuer à l’enrichissement des créations artistiques en favorisant notamment la collaboration entre différentes générations artistiques. Il promeut en particulier les jeunes artistes (moins de 40 ans), en les soutenant dans différents aspects de leur vie artistique. SAPEM développe également une large coopération avec des structures culturelles et artistiques internationales, des festivals, des fondations, des musées, des orchestres philharmoniques et symphoniques, des associations, des galeries d’arts, des centres culturels et différentes universités. L’institut envisage également de développer cette coopération avec de nouveaux pays très prochainement.
Cette collaboration s’exercera par la production et la diffusion d’œuvres, de spectacles, d’expositions, de festivals, de catalogues, d’annonces et de sites internet au niveau national et international.
Depuis 2019, l’équipe de planification et de gestion de la SAFPEM souhaite accentuer encore davantage son développement au niveau international en poursuivant la création de projets multilatéraux. Grâce aux expériences artistiques précédentes, au résultat de nombreuses collaborations et du développement de leur communication au niveau international, de nombreuses ramifications et bureaux de représentation se créent actuellement au sein des trois continents asiatique, européen et africain.
Curateur : Saeed Khavar Nejad
Saeed Khavar Nejad est un artiste contemporain iranien basé en France et en Italie depuis 2009. Ses activités artistiques tournent autour de la musique contemporaine et des arts visuels (sous le nom de SD). Saeed est également connu comme soliste de Persian Kamancheh dans le monde de la musique. Ses études universitaires portent sur les arts interdisciplinaires, la musique, le graphisme le design en Iran, en Italie et en France. Compositeur, il a participé aussi à de multiples projets de peinture en Iran, en France, en Italie et dans le monde entier. En 2013, avec la participation de certains de ses collègues, il fonde l’Institut spécifique d’art contemporain du Moyen-Orient et de l’Europe (SAFPEM – FMICA Organizers) en France et au Canada. Depuis 2016, il mène des activités liées à la direction exécutive de Middle East Art en Europe, en Asie et en Afrique. En tant que commissaire d’exposition, Saeed a été invité par le DigiCon 6 ASIA (Japon), le White Canvas Visual Arts Organization en Asie et le festival d’art numérique VIDEOFORMES en France pour présenter les créations d’arts vidéo iraniennes.
Site : https://www.safpeminstitute.com